ART DE PRÉSENCE

Ce que j’apprends dans la matière

Je n’ai jamais vraiment cherché à “faire de l’art”.
J’ai cherché, plus simplement, à trouver un lieu où je puisse me tenir.

Un endroit où le geste cesse d’être une intention pour devenir une respiration.
Un endroit où la matière cesse d’être une masse à transformer pour redevenir un partenaire.
Un endroit où je puisse laisser surgir ce qui n’a pas de nom, ce qui n’a pas besoin d’être expliqué.

Ce lieu, je l’ai retrouvé dans la pratique que je nomme aujourd’hui Art de Présence.


La matière m’a appris à ralentir

Quand je travaille le bois, le métal, l’encre ou le feu, je ne peux pas aller plus vite que ce qu’ils acceptent.
La matière impose une cadence.
Elle me ramène à quelque chose de plus ancien, de plus juste — un rythme que ma vie ordinaire écrase trop souvent.

Chaque fois que je brûle une surface, que je trace une ligne, que je laisse l’encre voyager dans les fibres d’une vieille page, je sens que ce n’est pas moi qui “fais” l’œuvre.
Je suis là pour accompagner ce qui veut advenir.

La présence commence là : dans cette écoute.


J’apprends à disparaître derrière le geste

Il y a dans mon atelier un moment très particulier — un moment rare — où le geste cesse d’être volontaire.
Il se fait tout seul.

Je ne décide plus.
Je ne cherche plus.
Je me laisse traverser.

Cela arrive dans les Cromo, quand la matière devient presque géologique.
Cela arrive dans les Palis, quand la verticalité me dépasse.
Cela arrive dans les Figures à l’encre, quand un simple souffle suffit.

Là, je comprends que l’œuvre n’a jamais eu besoin de moi : elle avait surtout besoin que je m’efface.


La présence n’est pas une idée : c’est un état

Beaucoup de gens associent la présence à une posture, un concept, une notion spirituelle.
Pour moi, ce n’est rien de tout cela.

La présence est un état du corps, presque tactile.
Une manière d’être entièrement là, sans tension et sans fuite.
Une manière de ne plus chercher ailleurs.

La matière me ramène à cet état plus souvent que n’importe quelle méditation.


Je ne crée pas des œuvres : je crée des lieux

Quand je prends du recul devant une sculpture ou un dessin, je ne regarde pas l’objet.
Je regarde l’espace qu’il dégage.
L’espace qu’il ouvre.
L’espace qu’il permet.

C’est là que je comprends si l’œuvre est juste ou non.

Certaines pièces n’ont pas besoin de détails.
Certaines doivent être plus brutes.
D’autres exigent d’être presque effacées.

L’œuvre juste est celle qui tient debout toute seule,
et qui me tient debout, moi aussi.


Alliance, Résonance, Correspondance : trois mouvements intérieurs

Ces trois axes du corpus Imbastos sont devenus des points d’appui très concrets dans ma pratique :

  • Alliance : quand la matière et le geste cessent d’être séparés.

  • Résonance : quand la forme trouve son espace.

  • Correspondance : quand le regard et l’œuvre s’accordent.

Ce ne sont pas des concepts : ce sont des sensations.
Elles m’indiquent quand une pièce respire, quand elle sonne juste, quand elle porte quelque chose de vivant.


Ce que je cherche vraiment

Je ne veux pas faire des objets beaux.
Je veux créer des lieux où l’on peut reprendre souffle.
Des lieux simples.
Des lieux où quelque chose — même de minuscule — s’aligne à l’intérieur.

Je crois que c’est pour cela que je continue.
Non pas pour produire des œuvres, mais pour traverser encore et encore cet espace fragile où la matière, le geste et le silence se rencontrent.

Dans ce moment-là,
je me sens vivant.

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